Un dimanche après la guerre
C’était un dimanche et Joseph, qui à ce moment-là
avait dix ans, défilait sur une estrade avec l’espoir de trouver ses parents ou
un couple qui voulait l’adopter. La guerre était finie et les petits enfants de
Villa Jaune attendent l’arrivée de leurs familles.
C’est la première scène d’à peine trois pages à
travers laquelle l’écrivain Éric-Emmanuel Schmitt nous met dans une histoire
émouvante et chaleureuse où l’honnêteté et la tolérance sont deux valeurs
fondamentales.
« L’enfant de Noé » c’est une histoire
qui avait commencé deux années avant à ce dimanche-là et que le lecteur aura
l’opportunité de vivre comme s’il était devant un grand écran, grâce aux
descriptions si visuelles que fait l’auteur, ou dans un théâtre à travers les
nombreux dialogues qu’enferme ce roman.
Deux ans avant……. Dès le point de vue de l’enfant
“Tout avait commencé dans un tramway”.
C’était l’année 1942 et ce jour-là Joseph, un enfant juif de sept ans,
traversait Bruxelles assis au fond d’un wagon jaune. C’était la même couleur
que la villa où il habiterait jusqu’à la fin de la guerre et de l’étoile qu’il
porte cachée sous son manteau. Villa Jaune, le collège dirigé par le père Pons
qui est devenu un refuge pour nombreux enfants qui comme Joseph sont persécutés
par les nazis ou qui fuient des nazis.
L’occupation de la Belgique par les nazis (1942-1944)
est racontée en première personne par Joseph, le petit enfant séparé de sa
famille et recueilli dans la Villa Jaune où il connaîtra Rudy, un grand garçon
de seize ans qui sera désigné son parrain dans le pensionnat.
Alors nous avons déjà les trois protagonistes du
roman : Joseph, Rudy et le père Pons, que tel que Noé, protègera la
culture juive de la destruction des nazis. Les autres personnages existent
parce que l’écrivain a besoin d’eux pour nous raconter l’histoire et aussi ses
pensées à travers la vie des acteurs principaux. La comtesse de Sully, la
pharmacienne Marcelle, les parents de Joseph, la mère de Rudy et n’importe quel
officiel allemand sont les autres, les pas essentiels.
Mais ce roman n’est pas seulement la narration du
jour à jour de ses protagonistes, il est plus qu’un journal intime. Ce roman
est surtout une conversation entre l’écrivain Schmitt et le lecteur, grâce aux
réflexions à voix haute entre le père Pons et Joseph sur l’amour, la douleur,
le respect et l’honnêteté.
Le petit Joseph est le narrateur, voire le
protagoniste principal d’une histoire qui s’est déroulée durant plus de deux
années, mais qui en réalité est finie cinquante ans après « sur une
terrasse ombrée, en face d’une mer d’oliviers » en Israël. C’est « le
bois du père Pons », une forêt qui comprend deux cent soixante et onze
arbres figurant les deux cent soixante et onze enfants qu’il avait sauvés.
C’était un jour, cinquante ans après ce
dimanche-là, Joseph a été témoin de comment des garçons juifs et des garçons
palestiniens s’envoyaient des pierres. Alors il a décidé de commencer sa
première collection à la ressemblance du père Pons, pour préserver tel que Noé
la culture et les croyances des peuples menacés par la violence des hommes.
C´est alors que soudain il a ramassé les deux premiers objets pour son arche de
Noé: une kippa et un foulard palestinien qu’il a gardés, l’une dans sa poche
droite et l’autre dans la gauche.
C’est ce qu’avait fait le père Pons durant la
guerre avec le but de sauver la culture juive face à la destruction des nazis.
Le père a gardé ce trésor, sa collection comme il aimait l’appeler, en dessous
de l’église désaffectée qui était située à côté du collège. Le même endroit où
les pensionnaires juifs se sont réfugiés une nuit, après avoir été découverts
par les nazis. Grâce à l’aide du père tous ceux-ci ont sauvé leur vie.
Avec ses trésors dans ses poches, Joseph pensait à
l’arche de Noé du père Pons qui avait toujours une nouvelle colletion : « chaque
fois qu’un peuple sur la terre se voyait menacé para la folie d’autres
hommes »
Une histoire dans la guerre, mais pas sur la
guerre
L’histoire « L’enfant de Noé » se déroule dans la guerre, mais elle n’est
pas un récit sur la guerre, bien entendu comme un conflit armé. Alors à mon
avis la guerre n’est pas le but, celle-ci est plutôt le prétexte qu’utilise le
romancier pour faire réfléchir les lecteurs sur l’égoïsme et le manque de
solidarité entre les peuples à cause de leurs croyances et de leur aveuglement
pour comprendre que l’ennemi est toujours le même pour tous.
Un ennemi qui s’appelle de différentes manières
selon le devenir de l’humanité, (le moment historique) cependant sa cible est
la même : l’extermination ou la soumission de l’autre, de ceux qu’il
aperçoit contraires à leurs idées.
Une réalité que « le petit enfant de
Noé » nous montre dès ses premières pages quand Joseph demande au père
Pons :
Joseph : « Chrétienne c’est le contraire de juif ?
Père Pons : « Le contraire de juif, c’est nazi »
Et dans le dernier chapitre nous trouvons une réflexion pareille. Cinquante
ans plus tard Joseph parle avec son ami Rudy :
Joseph :
« (…) Il faut faire la paix avec les Palestiniens. Ils ont autant de
droits que toi à vivre ici (…) »
Rudy : « Oui, mais notre sécurité »
Joseph :
« La paix Rudy, la paix, c’est ce que nous a appris à souhaiter le père
Pons ».
Rudy : « (…) Le meilleur moyen d’arriver à la paix, c’est souvent
la guerre.
L’histoire se répète une autre fois de plus.
Une histoire réelle ?
Ce roman s’intègre dans le cycle de
l’invisible, six récits écrit par Eric-Emmanuel Schmitt sur l’enfance et
la spiritualité, qui rencontrent un immense succès, aussi bien sur scène qu’en
librairie : Milarepa (le bouddhisme), Monsieur Ibrahim et
les fleurs du Coran (l’islam), Oscar et la dame rose (l’athéisme),
L’Enfant de Noé (les rapports entre les juifs et les chrétiens).
Mais, Qui était le père Pons?
L’enfant de Noé est dédié à :
« Pour mon ami Pierre Perelmuter, dont
l’histoire a, en partie, inspiré ce récit ».
« A la mémoire de l’abbé André, vicaire de la
paroisse Saint-Jean-Baptiste à Namur et de tous les justes des nations ».
C’est le père Pons la même personne que l’abbé
André ? Je ne sais pas, mais ils ont eu un parcours assez pareil.
L’abbé André (1908-1973) était un prêtre catholique très actif
durant la dernière guerre mondiale, il fut déclaré « Juste parmi les
Nations » par le gouvernement d’Iraël en 1967 autant que le père Pons. En
1941 il a organisé dans le diocèse de Namur (Belgique) l’accueil d’enfants
juifs pour les sauver de la déportation et le père Pons dans la Villa Jaune.
Guidé par un amour personnel pour les Juifs et un
grand respect pour la liberté religieuse, l’abbé André n´a pas converti ni
baptisé ces enfants. Bien qu’il ait été inquiété par la Gestapo et qu´il ait
été convoqué pour être interrogé, les Allemands ne découvriront jamais ses
activités.
« J'ai toujours écrit des romans
et des nouvelles cependant, à la différence des pièces, j'ai mis longtemps à
composer un texte que je jugeais publiable. Alors que le théâtre,
paradoxalement, m’épanouissait en m'imposant ses contraintes, le roman
m'offrait une liberté qui m'a longtemps effrayé, une liberté qui pouvait
devenir licence. Pourquoi gribouiller 300 pages plutôt que 100 ? Jusqu'à quel
point décrire ? Quel point de vue adopter ? Fort heureusement, les sujets de
mes livres m'ont forcé la main : ils se sont imposés, m'ont obligé à les
écouter, à rédiger leur histoire pendant de longs mois, à me mettre à leur
service. Merci Pilate, merci Monsieur Ibrahim, merci Oscar. Quant à Adolf
Hitler, désolé, même si j'apprécie vraiment La Part de l'Autre, le livre
qu'il m'a inspiré, il n'est pas dans mes habitudes de le remercier... »
Biographie courte
En quelques années,
Eric-Emmanuel Schmitt est devenu un des auteurs francophones les plus lus et
les plus représentés dans le monde.
Né en 1960, normalien, agrégé de
philosophie, docteur, il s’est d’abord fait connaître au théâtre avec Le Visiteur, cette rencontre
hypothétique entre Freud et peut-être Dieu, devenu un classique du répertoire
international. Rapidement, d’autres succès ont suivi : Variations énigmatiques,
Le Libertin,
Hôtel des deux mondes, Petits crimes conjugaux, Mes Evangiles, La Tectonique
des sentiments, Kiki Van Beethoven, Le journal d'Anne Frank, une
création mondiale avec l'autorisation exceptionnelle de la fondation Anne
Frank. Plébiscitées tant par le public que par la critique, ses pièces
ont été récompensées par plusieurs Molière et le Grand Prix du théâtre de
l’Académie française. Ses livres sont traduits en 43 langues et plus de 50 pays
jouent régulièrement ses pièces.
Il écrit le Cycle de
l’Invisible, six récits sur l’enfance et la spiritualité, qui rencontrent
un immense succès aussi bien sur scène qu’en librairie : Milarepa, Monsieur Ibrahim et les
fleurs du Coran, Oscar et la dame rose, L’Enfant de Noé, Le sumo qui ne
pouvait pas grossir et Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus.
Une carrière de romancier, initiée par La Secte des égoïstes, absorbe une
grande partie de son énergie depuis L’Evangile selon Pilate, livre lumineux
dont La Part de
l’autre se veut le côté sombre. Depuis, on lui doit Lorsque j’étais une œuvre
d’art, une variation fantaisiste et contemporaine sur le mythe de
Faust et une autofiction, Ma Vie avec Mozart, une correspondance intime et originale
avec le compositeur de Vienne, ce livre sera suivi par Quand je pense que
Beethoven est mort alors que tant de crétins vivent, constituant
ainsi le deuxième volume du cycle Le Bruit qui pense. S'ensuivent deux
recueils de nouvelles : Odette Toulemonde et autres histoires, 8 destins de femmes à
la recherche du bonheur, inspiré par son premier film, et La rêveuse d'Ostende,
un bel hommage au pouvoir de l'imagination. Dans Ulysse from Bagdad, il livre une
épopée picaresque de notre temps et interroge la condition humaine. Son
troisième recueil de nouvelles Concerto à la mémoire d'un ange, nous
présente des héros à qui, un jour, la rédemption est offerte. En 2010 ce roman
se voit décerner le prestigieux prix Goncourt de la nouvelle. Dans son dernier
roman La femme au
miroir paru à la rentrée littéraire 2011, il nous présente
trois destins, trois aventures singulières, trois femmes infiniment proches
tant elles se ressemblent par leur sentiment de différence et leur volonté
d'échapper à l'image d'elles-mêmes que leur tend le miroir de leur époque. Tout
les éloigne de ce que la société, leur entourage, les hommes ont décidé à leur
place. Son quatrième recueil de nouvelles, Les deux messieurs de Bruxelles,
nous dévoile avec délicatesse les secrets de plusieurs âmes.
Encouragé par le succès
international remporté par son premier film Odette
Toulemonde, il adapte et réalise Oscar
et la dame rose (2009).
Amoureux de musique,
Eric-Emmanuel Schmitt a également signé la traduction française des Noces de Figaro et de Don Giovanni. Toujours curieux, il
ouvre en permanence de nouvelles portes, tend de nouveaux miroirs, pour notre
plus grand plaisir. Il évoque sa passion pour Georges Bizet et Carmen en
faisant ses débuts à l’Opéra National de Paris dans Le Mystère Bizet en octobre 2012
Publié par Mª Sol Cabrera Pérez, élève de la 1ère année du Niveau Avancé.