Dès la première phrase le lecteur saura de la peine d’Anne Hidden, la protagoniste du roman « Villa Amalia » de Pascal Quignard. Alors Anne nous raconte : « j’avais envie de pleurer. Je le suivais. J’étais malheureuse à désirer mourir ».
Une confession qui est l’annonce du chemin qu’elle fera avec le souhait de changer sa vie. Elle avait 47 ans. Elle se sentait seule et angoissée à cause de la profonde douleur qui la poursuit depuis son enfance.
L’histoire a commencé la nuit dans laquelle Anne a vu, « à travers des feuilles du laurier », son conjoint Thomas avec une jeune fille qui, en apparence, était son amant. C’est la conviction d’Anne, qui ne demandera jamais à Thomas sur cette scène. « Alors elle aperçut Thomas : une jeune femme lui avait pris les mains sous la lanterne allumée, devant l’entrée de sa maison. Thomas cherchait à ôter son manteau. La jeune femme se haussa sur la pointe des pieds. Elle tendit ses lèvres vers ses lèvres ».
Cette nuit-là elle a décidé de l’abandonner et de commencer un long voyage qu’elle arrêtera le jour de la mort de sa mère. C´est aussi cette même nuit durant laquelle l’écrivain nous aura présenté Georges, le protagoniste secondaire et l’ami d´enfance qu’Anne avait oublié, mais qui était heureux de l´avoir retrouvée. À partir de ce jour la vie d’Anne et de Georges seront très près l’une de l’autre, jusqu’à la mort de Georges.
« Villa Amalia », le titre du roman, c’est le prénom de la maison où Anne est arrivée pour cacher sa douleur, sans savoir qu’elle ne pouvait jamais fuir de son enfance, ni de l’histoire d’une famille cassée par la mort du fils et l’abandon du père. Un passé qui perdurait à travers le silence d’une mère qui a attendu durant toute sa vie un mari qui est retourné seulement pour l’enterrement de l’épouse.
Le calme et la tendresse
Face à une protagoniste pas sûre et en évasion de sa propre vie, Pascal Quignard nous fait le cadeau des belles phrases avec lesquelles Georges, le vieil ami, donne au lecteur le calme et la tendresse qu’elle nous vole page après page.
« Aimer aux yeux des enfants c’est veiller. Veiller le sommeil, apaiser les craintes, consoler les pleurs, soigner les maladies, caresser la peau, la laver, l’essuyer, l’habiller. Aimer comme on aime les enfants c’est sauver de la mort » Ce sont quelques-unes des pensées de Georges et que Quignard exprime, avec la maîtrise d’un grand auteur, alternant chapitres longs et courts, dialogues et silences.
Pascal Quignard, considéré comme l'un des plus importants écrivains de la littérature française contemporaine, est un maître de la suggestion et en même temps son écriture est pleine de poésie.
« Villa Amalia », son dernier roman (2006), met en scène un personnage habité par le vœu de tout quitter, de ne plus être soi et d'aller se découvrir ailleurs, selon le point de vu de quelque critique littéraire. Un roman dans lequel la musique est aussi protagoniste. Anne est musicienne et compositrice et son père aussi. Un sujet, la musique, qui revient à la mémoire du roman «Tous les matins du monde» du même auteur.
« Villa Amalia » est une lecture très recommandable et qui a été adapté au cinéma par Benoit Jacquot. Mais il est magnifique aussi le livre « Tous les matins du monde », qui raconte la vie du violiste Marin Marais (1656-1728), surtout pour les personnes qui aiment bien la musique. Elles doivent voir le film d’Alain Corneau et écouter les interprétations de Jordi Saval. C’est l’un des plus beaux films sur la musique que j’ai vu.
Pascal Quignard : l’homme et l’écrivain
Pascal Quignard est né en 1948 à Verneuil-sur-Avre (France) dans une famille d'enseignants. Il grandit au Havre. Son enfance est difficile, il passe par des périodes d’« autisme » et d'anorexie. Adolescent, ses goûts se portent sur la musique, le latin, le grec et les littératures anciennes… Très vite, il est pris par une passion qui est restée la passion de sa vie : la lecture. Il se souvient de lui, vers quatre ou cinq ans, les pieds sur un petit établi, lisant Peau d'âne ou les Contes et légendes de la collection Hachette. "Comme les panoplies de mousquetaires, de cow-boys ou de centurions romains, c'était revêtir des mondes imaginaires." En 1968, il est étudiant en philosophie à Nanterre. Le Mercure de France publie son premier essai, consacré à Sacher Masoch en 1969, mais il faudra Le Salon du Wurtemberg en 1986 puis Les Escaliers de Chambord en 1989, pour révéler Pascal Quignard au grand public. Il a enseigné à l’université de Vincennes et à l’École pratique des hautes études en sciences sociales. Il a fondé avec le président François Mitterrand le festival d’opéra et de théâtre baroque de Versailles.
Pascal Quignard a collaboré longtemps aux éditions Gallimard (lecteur extérieur à partir de 1969, puis membre du comité de lecture en 1976 et enfin en charge du secrétariat général du service littéraire, en 1990). En 1994, il a démissionné de toutes ses fonctions, pour se consacrer uniquement à son travail d’écrivain. Il déclare alors « Je suis plus heureux d’être libre et solitaire ». Le prix Goncourt 2002, obtenu pour Ombres errantes, a été perçu comme le couronnement d'une œuvre à mi-parcours.
Son œuvre, entre romans, essais philosophiques, poésie… est tout à fait inclassable. "Mais encore fallait-il donner une figure, et donc une forme, à défaut d'un nom, à ce projet d'écriture, à cette œuvre qui se cherchait. Toutefois, ce n'est pas à un repos, à une commodité que devait aboutir cette recherche. Elle attendait simplement la possibilité, l'autorisation que l'on se donne à soi-même de continuer, d'avancer, d'errer dirait Quignard. Cette forme ne pouvait donc être fixe; elle ne voulait pas être un carcan, une limite, un enfermement, mais son exact contraire. Quignard connaît trop les séductions de la rhétorique pour y céder sans examen. De plus, l'attraction demeurait pour la fiction, les histoires et les fables, pour tout ce que la fantaisie invente en vue du plaisir et de l'inquiétude. Il était, ce désir, aussi fort et ancré que celui de la spéculation et de la réflexion philosophique. Aussi puissant que celui de l'érudition. Il était essentiel et urgent de ne renoncer à rien, ni à l'astronomie, ni à la mythologie, ni à la science préhistorique, ni à la philosophie chinoise, ni à la pensée arabe ni à l'art oratoire des Latins. Et surtout pas à la littérature." (Extrait d'un article de Patrick Kéchichian, Le Monde, 27 septembre 2002.)
Parmi ses œuvres
Dernier Royaume (Grasset, 2002) : œuvre en plusieurs tomes : Les ombres errantes (tome I) - Sur Jadis (tome II) - Abîmes (tome III)... la suite est à venir.
Terrasse à Rome (Gallimard, 2000) : À Rome au XVIIe siècle.
Vie secrète (Gallimard, 1997 - 1999) : roman qui obtient le grand prix du roman de l’Académie française.
La haine de la musique (Calmann-Lévy, 1996 - Gallimard, 1997).
La nuit et le silence (Flohic, 1995) : un essai sur le peintre Georges de la Tour.
La frontière : azulejos du Palais Fronteira (Chandeigne, 1992).
Tous les matins du monde (Gallimard, 1991 - 1993) : ce livre évoquant la vie du musicien Marin Marais a été adapté au cinéma par Alain Corneau en 1991.
Petits traités (Maeght, 1990 - Gallimard-Folio, 1987 réédités en 2 tomes) : huit volumes de textes brefs écrits à partir de 1981.
Les Escaliers de Chambord (Gallimard, 1989-1991).
Le Vœu de silence (Fata Morgana, 1985) : essai sur René-Louis des Forêts.
Carus (Gallimard, 1980 - 1990) : roman (prix des critiques).
Pour connaître un peu plus de Pascal Quignard et de son oeuvre cliquez sur:
Film « Tous les matins du monde » :
Film « Villa Amalia »:
Interview avec Pascal Quignard:
Publié par Mª Sol Cabrera Pérez, élève du Niveau Intermédiare, 2e année.
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