vendredi 10 février 2012

Voici un livre dont je vous recommande vivement la lecture : L'EDUCATION D'UNE FEE de Didier van Cauwelaert


Avec la force, l’humour et le style qui ont fait le succès de tous ses romans, Didier van Cauwelaert, prix Goncourt pour « Un aller simple », nous montre une fois encore comment le quotidien le plus cruel peut basculer dans le merveilleux, et la détresse d’ouvrir le chemin d’une seconde vie.

Ce sont des rencontres qui bouleversent notre vie. Nicolas Rockel ne s'attendait pas à avoir un double coup de foudre en prenant ce bus d'Air France. Double parce qu'il tombe amoureux d'une femme et de son fils en même temps. Touché par la grâce et la beauté de cette femme, ému par ce petit être qui demande à sa mère à quoi sert la guerre.

Nicolas attrape cette perche tendue par l'enfant et lui répond que la guerre est inutile. La femme le fustige alors du regard. C'est malin, son père vient de mourir. Malgré cette faute, le contact est tout de même établi. Nicolas ne laissera pas passer ces deux êtres qu'il aime déjà.

Elle, c'est Ingrid. Les oiseaux rythment sa vie car elle est ornithologue. Le petit, c'est Raoul. Nicolas, lui, est resté proche des enfants : il faut avoir gardé une certaine âme d'enfant quand on est inventeur de jouets.

Après un coup d'œil sur l'étiquette pour savoir où habite cette femme et un pigeon voyageur plus loin, nos trois personnages forment un joli trio. Mais dès les premiers chapitres, nous savons que cette histoire ne durera que quatre ans: un jour, Ingrid annonce à Nicolas qu'elle le quitte par amour. Commence alors pour Nicolas le temps des questions. Pourquoi me quitterait-elle ? Qu'ai-je fait de mal ? Me suis-je trop impliqué avec Raoul ? A-t-elle rencontré un autre homme ? Et pourquoi me quitterait-elle si elle m'aime encore ? Peut-être que tout n'est pas encore perdu ? ...

C'est à cette période-là qu'une caissière remarque un homme perdu dans ses pensées. Chaque jour, il vient à sa caisse. Le contact est dur à établir. Hormis le "bonjour-tapez votre code-bonne journée monsieur", elle ne voit pas ce qu'elle pourrait lui dire. Mais cet homme a une triste mine/visage, et la caissière voudrait l'aider.

La caissière s'appelle César. Drôle de nom pour une femme. Mais en Irak, c'est un prénom courant. Surtout qu'en France, certains se sont permis de le transcrire n'importe comment.

Elle a quitté son pays à cause de la guerre, mais l'indifférence qu'elle supporte en France est pire que tout. Elle n'est qu'une caissière qui passe sa journée à passer des codes ... En réalité, César vit une autre histoire, d'exil, d'immigration et de banlieue.

Elle a écrit une thèse sur Gide et attend son inscription dans la Sorbonne, pour l'heure, elle subit le harcèlement du petit chef du supermarché et des copains beurs/magrébins de son fiancé en préventive.

César va incarner la fée, la gardienne du foyer, celle qu'attend le petit Raoul pour l'aider à recoller les morceaux brisés de sa famille.

Avis personnel :

La narration est faite par Nicolas et César. A tour de rôle, ils occupent la place de narrateur. Procédé intéressant qui m'a permis de me plonger tour à tour dans l’histoire. Nicolas a tout de l'adulte qui n'a pas voulu grandir. Il croit encore aux fées et aimerait que Raoul y croie encore. Mais l'enfant a laissé place à un adolescent qui ne jure que par le Dieu Nintendo. Quant à César, derrière les cicatrices qui marquent son visage et sa mini-jupe, se cache une femme touchante et révoltée.

Ce roman m'a prise de court car il prend tout à rebours. Le récit aurait pu prendre le temps, comme bien souvent dans les romans, de développer cette rencontre entre Ingrid et Nicolas. Mais en annonçant dès le début que cette relation prendrait fin au bout de 4 ans, l'intérêt du récit se déplace, et le mien n'a fait que grandir.

J’ai aimé cette histoire d’amour, même si je reste dubitative sur les raisons du comportement d’Ingrid, même si les pensées paranoïaques de Nicolas m’ont un peu agacée (pensées que je peux, malgré tout, comprendre).

En plus de cette histoire, le lecteur peut voir, à travers les chapitres la concernant histoire de la protagoniste Sézar, qui sera liée à celle de Raoul. Je trouve que Sézar est une fille incroyable, qui joue le jeu pour faire plaisir à un petit garçon, qui croit tant en elle.

Le style est fluide mais rempli d'images, les personnages se sont incarnés comme par magie.

Mais avant d'être touchée par cette histoire, c'est le titre et la couverture qui m'ont attirée car ils étaient pour moi source d'interrogations. Que symbolisait ce monstre mi-femme, mi-caisse sur la couverture? Pourquoi ce monstre avait-il un livre de Gide à la main? Et que venait faire ce pigeon en haut à gauche?

Une couverture réussie car le merveilleux qu'elle annonce se retrouve dans ce roman.

Citations :

Nicolas : « Si je reprenais le fil de son raisonnement, j’en arrivais à la conclusion qu’elle me quittait parce qu’elle m’aimait toujours. »

« J'ai une femme que j'aime et qui est en train de me quitter, et un fils de son premier lit que j'adore et à qui je n'arrive pas à dire la vérité. »

« A présent j’ai la vie devant moi : je vais changer de métier, changer de maison, créer un nouveau monde pour Raoul. »

« Un grand vide se fait dans ma gorge. Je n’arrive plus à être malheureux devant cette fille. Je ne sais pas ce que je ressens. Elle ne m’excite pas ; elle m’enchante. »

Cesar : « Personne ici ne soupçonne le voyage que j'ai fait, les années d'étude et les mois de guerre, les attentes de visa, les humiliations et ce rêve de la France qui m'a permis de tout surmonter, même les deux nuits où je suis restée cachée parmi les cadavres à la frontière iranienne -tout cela pour me retrouver CDD contrat jeune à l'hypermarché de Mantes-Nord. Je sais que je suis fière, que je ne suis pas à ma place, que "je me crois" comme elles disent. Mais quand on vient d'un pays muselé, vampirisé de l'intérieur et affamé par l'embargo, privé de livres, d'alternative et de liberté, leur résignation sous les néons, leurs petits songes mesquins d'un destin planifié soumis aux coucheries, aux maris, aux bébés, aux promotions, aux dettes, sont peut-être les plus grandes blessures que j'ai reçues dans ma vie, parce que c'est la première fois que je me sens en danger d'y renoncer. »

« C’est à cause d’eux que mon compagnon est en préventive, alors ils se sentent des devoirs. Ils me surveillent, ils répondent de moi, comme ils disent à Fabien. Mais de quel droit ils osent me juger, me punir au nom des valeurs musulmanes? Ils ne savent même pas ce que c’est ! Ils ne connaîtront jamais le pays de leurs ancêtres et ils veulent m’apprendre d’où je viens ! Ils sont français, eux ! L’honneur, pour eux, c’est d’enferment leurs sœurs, leurs copines et les copines de leurs copains au nom du Prophète, comme ils ont le front de me dire en face, à moi qui suis musulmane obligatoire, c’est marqué sur mon passeport : sunnite de naissance ! Et moi je m’en fous de ce qu’ils appellent la religion, le Dieu auquel j’appartiens est un Dieu d’amour qui respecte les femmes, l’alcool, la vie et le Dieu des autres ! Je ne supporte plus ces gens ! Je ne veux plus de ce monde-là ! Je suis venu chercher autre chose en France ! »

« Ce qui compte, c'est d'avoir toujours quelque chose à attendre

 BIOGRAPHIE DIDIER VAN CAUWELAERT

Lauréat du prix Goncourt en 1994 pour 'Un aller simple', le Niçois Didier Van Cauwelaert, rythme la vie littéraire française avec ses nombreux romans et pièces de théâtre. Attiré par l'écriture depuis sa plus jeune enfance, l'écrivain se fait remarquer par hasard, alors qu'il entreprend une correspondance imaginaire avec l'actrice Greta Garbo, publiée dans le courrier des lecteurs de Télé 7 jours. Mais la reconnaissance critique et publique n'intervient qu'avec ses premiers romans parmi lesquels 'Poisson d'amour' en 1984 ou 'Les Vacances du fantôme', trois ans plus tard. Inspiré par les thèmes de la famille et de l'épanouissement social, Didier Van Cauwelaert s'intéresse également au paranormal et à la folie scientifique comme en témoigne son roman 'L'Evangile de Jimmy', dans lequel l'auteur traite de la question du clonage. Très impliqué dans la vie théâtrale : acteur occasionnel mais surtout metteur en scène et dramaturge, on doit à ce fan de Marcel Aymé une comédie musicale adaptée du 'Passe-muraille', créé avec la collaboration de Michel Legrand et pour lequel il reçoit un Molière en 1997. Couronné de succès, Didier Van Cauwelaert attire l'attention au-delà des frontières françaises et du cadre littéraire, son roman 'L'Education d'une fée' fait notamment l'objet d'une adaptation cinématographique en Espagne.

Publié par Conchi Gallardo Zamora, élève de français du Niveau Avancé, 1ère année.

1 commentaire:

  1. Une exposition impeccable. J'espère le trouver en français et pouvoir le lire. Merci pour ta présentation instructive de ce livre. Salut.

    Paco Hidalgo.

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