lundi 20 mai 2019

Se mettre à cœur ouvert, à nu dans un journal intime sans verrous sur le net, une pratique plus vivante que jamais.

Entamer un journal intime de sorte à y dévoiler sans fard notre vécu le plus avilissant, à y avouer nos sentiments les moins inavouables, à y retracer nos pensées les plus lâches, à y confier nos confidences les plus emplies de frustration persistante et percutante, à y partager nos états d’âme les plus impénétrables, à y dépeindre un foisonnement innombrable de sensations ignobles se déchaînant, à y ranger un flot d´impulsions hideuses se bousculant et à y griffonner une coulée de tourments sibyllins s´ameutant. Bref, un véritable défouloir fracassant voire assommant histoire de bien s´y défouler et d´y désamorcer les colères ténébreuses, d´y braver les conflits haineux qui s´enlisent au fin fond de nos démoniaques entrailles. 
D´après vous, est-ce vraiment nécessaire d’étaler son ressenti, sa vie privée et fort intime à tous les vents et qui, finalement, n’est ni mieux ni pire que celle de milliers d’individus de par le monde?
Faites-vous partie de ces êtres hyper sensibles que l’écriture apaise? Parler de soi au plus profond de l’intime, cela a-t-il été une tentation qui vous ait hantés ? 
Étant adolescent(e)s en avez-vous tenu un? Un journal intime à qui vous avez livré vos secrets les plus enfouis et qui vous a aidés à surmonter vos chagrins les plus honteux? Le dégainiez-vous chaque jour? Ou cela vous paraissait-il plutôt un peu enfantin ou un truc de petite fille d'écrire un journal intime et d´y engloutir votre quotidien? 
D´après Leïla Sebarr, écrivaine française, le journal personnel, c´est-à-dire parler de soi à soi, c´est "puéril, immature, narcissique, névrotique, lâche" moralement, "nul" littérairement et même… "féminin" ! 
Et vous, comment considérez-vous cette pratique si florissante de nos jours? Constituerait-elle un genre littéraire dénigrant à bannir?

Publié par Carmen Caballero, prof de français

7 commentaires:

  1. Dire journal intime, c´est penser à l´œuvre de culte créée par la jeune Anne Frank il y a près de 80 ans pour s´évader de l´agonie d´une vie cloisonnée, menacée par les bombes et l´horreur d´un monde en guerre.
    Comme elle, verser sur une page blanche notre vécu par pure satisfaction personnelle, c´est aussi une forme de libération, d´allègement, de soulagement de bien de soucis.
    Or, il doit être cela, intime, une relation à deux entre la personne et son journal.
    Il devient alors une sorte de confessionnel muet à qui l´on fait ses aveux, à qui l´on dévoile les sentiments, les petits péchés sans être sanctionné ni accablé de reproches ou de pénitences.
    Cependant, lorsque la barrière de l´intimité est bousculée et qu´elle devient publique sur le Net ou ailleurs, alors la chose est tout autre.
    Le journal qui n´est plus intime se transforme volontairement en exhibition de soi-même, au même titre que le reality show « Big Brother » où les intimités de tous sont exposées publiquement.
    Autrefois, on aurait parlé de violation de l´intimité.
    Aujourd´hui, ne serait-on pas face à une prostitution de nos vies ?

    Anne Marie Cabrejas

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  2. Posséder un journal personnel où nous pouvons replonger dans ses feuilles de temps en temps afin d´y retrouver certains passages de notre vie ou, peut-être même, sentir l´irrésistible nécessité de retracer quelques lignes ajoutant les derniers sentiments éprouvés à la suite d´une dure épreuve, est une activité pratiquée par bien d´entre nous surtout dans l´adolescence au cours de laquelle, la sensibilité et les émotions sont très souvent à vif.
    Cependant, livrer son contenu sur la Toile est un acte, pour le moins, choquant.
    Exposer publiquement nos sensations, nos désirs et nos confidences les plus profondes est, en quelque sorte, une profanation.
    Ce cahier confidentiel perd de sa magie. Il n´est plus secret. Il ne nous appartient plus. Il est dépouillé de sa valeur de journal intime.

    Marie Angèle Cabrejas

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  3. Le journal intime, à quoi sert-il? Étant donné qu’il est voué à être gardé en secret, intéresse-t-il quelqu'un? Ne serait-il pas un piège pour nous de nous raconter, à nous-mêmes, ce que l’on pense tout bas?

    À vous d´y répondre. Malgré tout, à l’époque de mon adolescence, j’ai tenu un journal intime, la raison? Ça serait trop naïf de le dire car tout le monde en avait un, dérisoire, mais c’est vrai. Des dizaines de jours à ne pas posséder de mots pour remplir la feuille blanche déshonorée après y avoir écrit juste la date en croyant que l’on aurait d’autres jours où la pensée serait plus fleurie, c’est ça l’adolescence! Je ne trouve aucune raison pour soutenir ce genre mineur, en dessous de la littérature, grâce auquel à cet âge infâme la mise à l’écart était un baume sur nos souffrances tellement graves, du moins, d´après nos regards.

    Aujourd’hui, j’en prends mes distances : ne serait-ce que pour l’âge ou serait-ce plutôt que l´on n’a désormais plus rien à cacher?

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  5. “Samedi 20 juin 1.942.

    C´est une sensation très étrange, pour quelqu´un dans mon genre, d´écrire un journal. Non seulement je n´ai jamais écrit, mais il me semble que plus tard, ni moi ni personne ne s´intéressera aux confidences d´une écolière de treize ans. Mais à vrai dire, cela n´a pas d´importance, j´ai envie d´écrire et bien plus encore de dire vraiment ce que j´ai sur le cœur une bonne fois pour toutes à propos d´un tas de choses. Le papier a plus de patience que les gens…” (Extrait issu du Journal d´Anne Frank.)

    Jamais Anne Frank n´aurait pu imaginer l´effet si retentissant de son journal sur l´histoire de l´humanité, mais sûrement qu´elle aura pu imaginer qu´il allait exercer sur elle un tas d´indéniables bienfaits.

    De nos jours, dans l´ère numérique, on peut examiner, voire évaluer les avantages et les inconvénients – des tonnes et des tonnes – de quoi que ce soit, et c´est pour cela que je vais étaler les pour et les contre – quelques-uns, pas d´analyse sous un million d´angles différents – vis-à-vis des journaux intimes qui, bien que cette espèce de témoignage littéraire n´ait pas une vocation à être publiée, pullulent par milliers de milliards sur la Toile planétaire.

    Tout d´abord je tiens à signaler que le journal intime en soi-même regorge, à la fois, de calmants, de toniques et d´excitants, tel qu´une pharmacie de l´âme ; c´est un examen, voire une quête du moi dont le dessein est celui d´atteindre plusieurs buts: moral, psychologique, examen de conscience, confident, amendement et critique. C´est une consolation, un libérateur… où quoi que ce soit pourrait être amorti; mais aussi, peut-être, un narcotique qui pourrait nous dispenser de vivre, en remplaçant la vie…

    En outre, on peut constater voire prouver la fausseté autour de laquelle sont bâtis certains journaux intimes d´où n´émane et ne reluit qu´une toute petite infime vérité, reflétant les découragements, défaillances, écœurements, faiblesses, plutôt que les moments de bonheur, de vie élevée, de contemplation. On dépeint plus la souffrance que la joie…

    En plus, lorsque l´on ne converse guère qu´avec soi-même, on peut se muter en oiseau solitaire ou en vieillard rabâcheur. La personne se recroqueville jusqu´à la contemplation narcissiste, de son nombril…

    Et en rapport à la diffusion en ligne du journal, il y a des limites de la privacité que l´on ne doit pas dépasser sous risque de tomber dans le piège de l´exhibitionnisme… On pourrait illustrer cette idée avec le dicton issu de la pensée de Sigmund Freud: ” On est propriétaire de ce qui se tait et esclave de ce qui se dit. “

    En guise de conclusion, je me dois finalement de vous avertir et de mettre l´accent sur le fait que, compte tenu de la propre nature d´un journal intime et de son utilité, dans le cas où il franchirait trop le domaine privé, non seulement les aveux jaillissant de cet examen défouloir devraient être régis par des critères de contrôle de la part de l´émetteur en fonction du public auquel il s´adresserait, ce qui pourrait – peut-être devrais-je dire hélas – le dénaturaliser au nom de la pudeur, de la tolérance, etc…, mais de surcroît, il faudrait en faire un usage proportionné de ce “soi-même“ afin de ne pas sombrer sous l´emprise de la pathologie névrotique.

    Bref, à mes yeux, le journal intime provoque trop d´ennuis dans la sphère artistique, voire scientifique, surtout du moment où il déverse des sentiments, un vécu d´une époque trop étroitement liés à la vie intime d´une personne, et d´autant plus que, certains d´entre eux empêchent que bien d´autres récits enracinant cette mémoire qui déraille, défaillante, ne puissent tenir lieu de genre à part entière.

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  6. Lorsque j’étais un adolescent, même plus tôt, j’ai entamé l´écriture, à plusieurs reprises, d´un Journal Intime, autant de fois que je le clôturais au bout de quelques jours plus tard, en entrevoyant l’inutilité de la tâche. Le vécu, les expériences et les forts souvenirs quels qu’ils soient, demeurent indélébiles dans la mémoire s’il en vaut la peine. Heureusement, Internet n’existait pas à cette époque-là. Aucune trace des futilités et des puériles velléités ne s’est gravée dans l’univers virtuel, empêchant de se perpétuer comme une menaçante épée de Damoclès étant à l’affût pour revenir dans le moment le plus emmerdant. Bien entendu que l’écriture comme une arme de défoulement constitue une bonne thérapie à condition de ne pas vulgariser les résultats. « Salut !, je m’appelle José et je ne suis pas heureux ». L’exhibitionnisme banalise le ressenti, et bien pire, rend l’écriture plus dilettante.

    Pepe Sereno

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  7. À mon avis le fait d'entamer un journal intime ce n'est pas un truc enfantin ou de petite fille. C'est une façon de dénicher une issue, une réponse à nos incessants tracas, nos perturbations quelconques. Par ailleurs, l'un des effets positifs d'écrire c´est celui lié à son rôle de miroir, ça veut dire que grâce à l'écriture, nous nous fournissons plus facilement des réponses à nos interrogations personnelles – Que dis-je ! nous nous en abreuvons. Peut-être cela n´implique-t-il que les personnes plus réfléchies ou toutes et chacune des personnes qui ont besoin de se dédier du temps pour soi.



    En outre, je voudrais faire une nette distinction entre les journaux intimes et les blogs ou les réseaux sociaux.

    Le journal intime n'a pas vocation d'être lu par une autre personne : c'est un défouloir des émotions. Néanmoins, de nos jours c'est assez fréquent d´écrire, d´exhiber des photos et de dresser un agenda de notre quotidien que pour refléter ce qu´il y a de mieux dans nos vies sur les réseaux sociaux, avec le seul but d'être acceptés et de féconder une vaste cohorte de fidèles supporters; et c'est à ce point où la vie réelle peut devenir une vie virtuelle, les réseaux peuvent se convertir en un outil qui renferme les gens sur eux-mêmes en montrant qu'une partie de leur réalité.



    Et en guise de conclusion, je vous invite à écouter cette chanson de Stromae qui parle de ce sujet: https://www.youtube.com/watch?v=cEwhx7FB6PY


    Virginie Godoy

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